lundi 23 avril 2012

Chapitre 3


Je me gare sur le parking du lycée. Mary,ma meilleure amie, m'attend appuyée sur une voiture qui n'est pas la sienne. D'ailleurs, elle n'en a pas. Trop jeune, encore. 16 ans, en novembre, Mary ne possède pas encore le permis, comme nous autre.
Je descends de la voiture et elle s'approche de moi en souriant. Sourire qui s'efface rapidement quand elle voit ma mine.
"Tu as pleuré. devine-t-elle.
-Non. je nie.
-Depuis quand se connait-on ?
Elle me connait pas coeur, je ne peux pas lui mentir. Je me déride et avoue :
-Oui, c'est vrai, j'ai pleuré sur le chemin.
-A cause de...-Je la sens hésiter- Peter ?
"Entre autre", je songe mais je hoche la tête.
-Tu t'es encore disputée avec ta mère.
-Bingo !
-Sur quel sujet cette fois-ci ?
Je n'ai pas vraiment envie d'en parler aujourd'hui, même à Mary, mais son regard insistant me fait flancher :
-Ils ont l'impression que je ne comprends rien . J'ai 16 ans, je sais ce que c'est un divorce ! Même un gamin de 5 ans...
-Tu leur parles ? Tu leur dis qu'ils te mettent à l'écart ?
-Tu crois que je t'ai attendu ?
-Calmement ?
Elle affiche un sourire narquois. Elle est en train de se moquer de moi. Je la bouscule gentiment. Même dans les pires situations, elle ne gardera jamais son sérieux. Du Mary, tout craché.
Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Personne ne connait la véritable Mary. Personne...Exceptée,Sacha-son autre meilleure amie- et moi. En public, elle est drole, extrovertie, prête à se battre sur un coup de tête,... Mais quand elle est,seule et loin des regards des autres ,ce n'est plus la même. Elle ne sourit jamais et peut se mettre à pleurer, sans que vous ne pussiez vous y attendre. Et ses parents l'effraient . Ils ont interdiction de l'approcher mais elle a toujours peur qu'ils viennent l'enlever. Pourquoi ?
A l'âge de 7 ans, sa vie a basculé. Elle a appris que son début de vie n'avait été que mensonge. Son père n'était pas Harold, l'homme qui l'avait élevée mais un être ignoble et perfide. Il était alcoolique, se droguait et battait sa petite amie, la mère de Mary, dans le passé.
Malheureusement, le juge n'avait voulu rien entendre et elle fut obligée d'aller vivre avec ses parents biologiques, loin de la ville. Autant vous dire que la séparation fut très douloureuse.
Ce qui va suivre, ce qu'elle a vécu, peu de personnes en connaissent la vérité. J'ai le privilège d'en faire partie.
Pendant 3 ans, elle n'a connu aucune stabilité. Se déplaçant de ville en ville, toutes, plus éloignées les unes des autres, la petite fille, qu'elle était, n'avait le temps de créér ni liens, ni univers. Pas besoin de vous préciser que cette vie là n'était pas normale pour un enfant de 7-10 ans. Cela ne lui plaisait pas. Alors, chaque soir, elle faisait un caprice qui, bien évidemment, dérangeait son père. Il s'était mis à la battre, jusqu'à ce qu'elle perde connaissance, sans que sa mère ne bouge le petit doigt pour elle. Mary se retrouvait souvent à l'hôpital ,s'étais mise à mouiller son lit -elle fut énurétique jusqu'à l'âge de 13 ans-et avait compris que son père n'était ,en aucun cas, compatissant. Elle se mura dans le silence et ne prononça bientôt plus un mot. Cela ne suffisait pas. Ryan continuait à la frapper. La petite fille voulait mourir mais un jour, ses parents ont décidé de revenir en Californie, dans une ville proche de Los Angeles. Elle avait l'interdiction formelle de s'éloigner de l'appartement. Ils n'étaient pas très friands à l'idée qu'elle puisse nous retrouver.
Mais Mary était bien trop maligne pour se laisser faire. Elle savait que les fêtes tardives ,de la jeunesse de ses parents, allaient reprendre dans cette ville. Leurs amis et eux buvaient sans soif, jusqu'à pas d'heure. Elle en profiterait pour s'eclipser en douce, sans que personne ne fasse attention à sa fugue. C'est ce qu'elle fit. Un samedi soir. Avec pour simple bagage, son sac de cours. Elle comptait dormir chez Harry, voire effacer ces gens de sa vie.
Sur le chemin, elle s'était perdue, cachée aux yeux de la police, pour ne pas que les agents la ramène chez elle et avait enfin retrouvé le quartier de son enfance, le mien en l'occurence. Elle avait compté les maisons, comme Harold le lui avait appris pour rejoindre la sienne. Son véritable foyer.
Il était très tard quand elle était arrivée sur le perron mais elle sonna. Mary se moquait bien de savoir si Harry avait refait sa vie, s'il avait des enfants, elle voulait voir l'homme qu'elle aimait de tout son coeur.
Un petit garçon avait ouvert. Sa peau était halée et ses yeux, bleus.Il l'avait dévisagée, incrédule, ne sachant que faire. Mary, s'était demandée si elle se trouvait devant la bonne maison, si Harry n'avait pas déménagé.
-Jordan ?
Une voix de femme. Le garçonnet s'était écarté pour laisser place à celle-ci. Elle avait écarquillé les yeux en criant:
-Oh mon dieu !
C'est vrai. Elle avait encore des marques sur le visage, sa mère n'avait pas cherché à les cacher, tout le monde craignait Ryan.
-Cherie, que se passe-t-il ?
La voix de Harry, reconnaissable entre mille.
-Rentre ma puce. , lui avait chuchoté la nouvelle femme de Harry.
La connaissait-elle ? Lui avait-il parlé de son ancienne vie ? En tout cas, cette femme lui avait pris sa main avec douceur et elle s'était retrouvée dans la maison qui lui était si familère.
-Ché...
Harry était sur la 3ème marche de l'escalier, il avait baissé les yeux, il avait été pétrifié puis l'avait prise dans ses bras. Elle avait senti les larmes de son "père" mouiller sa joue. Les retrouvailles avaient été émouvantes.
Ensuite, tout s'était passé très vite. Ses parents avait crié à l'enlèvement mais Mary les avait dénoncés. Après examen médicaux, enquête dans leur appartement californien et un long procès qui dura un an, Ryan fut condamné à 20 ans de prison pour maltraitance sur mineur et sa mère, Kristen, à 10 ans pour non assistance à une personne en danger. Les Cavendish obtenèrent sa garde, l'année de ses 12 ans.
Mary ne veut plus se retrouver seule, même la nuit. Parfois, Sacha et moi passons une semaine entière chez elle et quand ce n'est pas le cas, elle dort avec son frère. Elle refuse le psychologue ou le psychiatre, elle dit que nous sommes les seules, capables, de lui redonner le sourire. Je veux bien la croire.
Cette épreuve l'a renforcée mais lui a fait développer une tendance accrue de vouloir nous protéger.
Je sors de mes songes et lui demande:
-Où est Sacha ?
Sacha l'emmène tous les jours et là aucune trace.
-Aucune nouvelle d'elle depuis deux semaines.
Elle est, sans doute, internée dans un centre pour délinquant juvénil . A force,on s'y habituait.
-Je me demande comment elle fait pour ne pas être renvoyée du lycée., je souligne.
Mary joint ses doigts et les frotte entre eux. En effet, Sacha est la fille du patron du FBI, qu'elle voyait très peu et de la maire.
-Mademoiselle a beaucoup de relation., rajouta Mary, sur ton sarcastique.
Nous avions, toutes les deux, marre de ses bêtises d'adolescente, mal dans sa peau. Conduite sans permis, en état d'ivresse, vols dans les supérettes, Sacha en avait fait plus d'une. Et nous ne comprenions pas son comportement. Au départ, nous pensions que la cause était la richesse de ses parents mais Timoty Wentworth, qui avait le père le plus riche de Californie, même les artistes ne faisaient pas le poids, était le garçon le plus gentil et plus simple au monde. Cette année, nous sommes Junior et c'est la seule sans projet d'avenir. Certes, avec la somme colossale que sa mère amassait depuis debut de son mandat, elle pouvait directement prendre sa retraite mais je considèrais cette vie comme un ennui mortel. Nous la reverrons sans doute demain.
Soudain, une musique assourdissante atteind nos oreilles. Les jumeaux Wentworth arrivent. Une coupé cabriolet se gare à côté de la mienne. Timoty a encore eu un cadeau de son père. Bientôt, il pourra monter un magazin de voiture de luxe et il réussira à faire affaire.
Tim descend de sa voiture et commence à jouer au prétentieux. Il est tellement mauvais acteur, il n'aurait aucune chance à Hollywood. Mon ami reçoit une claque sur la tête et se fait réprimander par sa soeur jumelle. Je rigole et il me sort :
-Emy se moquerait-elle de moi ?
-Elle en a sans doute marre, comme moi. Papa ne nous a pas élevés comme ça.
Il fait mine de ne pas l'avoir entendue et commence à discuter avec Mary :
-Oh, tu as fait une nouvelle couleur.
Samantha, sa soeur, lève les yeux aux ciels.
-Je suis brune depuis 4 ans, Tim.
-C'est vrai. Je suis bête parfois. En tout cas, la petite Mary a pris une poussé vertigineuse. Tu es aussi grande que Emy, maintenant. Tu n'es plus un petit bébé.
-Très drôle.
-Je te taquine.
Il se tourne vers moi et commence à carresser mes cheveux. Mes poils de bras s'irrissent et mon coeur fait un bond de trois mètres.
-Ma meilleure amie est de plus en plus belle.
Mon coeur se met à battre la chamade. Je n'avais jamais entendu cette phrase sortir de sa bouche. Normal, c'est mon ami d'enfance, rien d'autre et il sort avec la pire nunuche de tout les USA. Le cliché type de la Cheerleader. Blonde, belle et les dix de moyenne suffisant pour pouvoir exercer son activité. La pire jalouse aussi, puisque elle est en train de nous fixer depuis une bonne minute. Je dégage sa main violemment et je le conseille froidement :
-Tu devrais aller voir ta poufiasse de cheerleader.
-Hein ? Quoi ?
Je ne lui réponds pas et me dirige vers le lycée d'un pas décidé. Je ne me retourne pas quand il crie mon nom.
C'est ça être jalouse ? C'est ça être amoureuse ? Bien entendu, je le suis, il ne faut pas se leurrer et depuis plus longtemps que je ne veux le croire. Comment ne pas être charmée par son regard bleus, son sourire si ravageur et sa personnalité si douce et drôle. Le garçon parfait pour moi mais il en aime une autre pendant que moi, je n'ai que lui en tête depuis la primaire. Je ne lui ai jamais dit, j'ai peur qu'il se moque de moi, même après son compliment de tout à l'heure. C'est mon meilleur ami, je n'ai pas le droit de sortir avec lui. En cas de mauvaise rupture, je n'aurai plus mon "frère" pour me consoler, pour rigoler. Pourquoi n'est-il pas gay ? Cela aurait beaucoup plus simple pour moi. Maintenant, je souffre quand je le vois dans les bras de...l'autre, je veux embrasser ses lèvres à chaque fois que son visage est proche du mien et je suis même sortie avec un Senior, l'année dernière. Il était idiot et il n'était pas parvenu à me faire oublier. Lui m'a aimé, pas moi, j'ai rompu, la veille de son bal de promo. Je dois me résoudre à oublier Tim, il ne sera jamais mon petit ami, ni le père de mes enfants. Je l'aimais d'un amour sincère bien que ce ne soit pas réciproque. Je souris alors, en pensant que je vivais la même chose que Peeta, un personnage de ma saga favorite.
"Plus que deux ans à tenir puis tu partiras à la fac, loin de lui.", je m'efforce de penser.
-Oula, attention !, riposte une fille.
Plongée dans mes pensées, je n'ai pas fait attention où je mettais les yeux.
-Je suis...désolée., je bredouille.
Je ramasse sa chemise qui s'est retrouvée au sol, par ma faute et reprend mon chemin.  Avant que je n'atteigne le bout du couloir, la fille que j'ai bousculé m'interpelle. Elle a un accent, elle n'est pas d'ici. Je me retourne et je la vois qui approche.
-Je suis désolée de te déranger mais j'ai besoin de ton aide.
-Mon cours commence dans 15 minutes, j'ai tout mon temps.
-Ah, merci.
-Tu es française, n'est-ce pas ?
La fille me regarde, surprise et se met à chercher des élèments qui aurait pu me mettre la puce à l'oreille. Je lache un rire et la rassure :
-Ton accent s'entend.
Elle paraît soulagées mais s'excuse de son pitoyable anglais.
-Oh, ne t'inquiète pas. Je parle français mais toujours avec mon accent américain. Pourquoi, tu es venue aux USA ?
-Pour avoir une expérience de lycée américain.
-Ce n'est pas le lycée le plus américain de Los Angeles., je signale.
-Je sais mais je ne voulais pas être perdue et comme je voulais aller en première S, chez moi, je ne perdrai pas bêtement, une année.
-Oh, première S. Moi aussi. Tu viens d'où ?
-De Paris. Pas très original. Mais de toute manière, tu ne dois connaître que cette ville.
"Encore une française avec des préjugés.", je songe.
-Non, j'en connais d'autres. Bordeaux, Marseille, Lyon..., je cite d'un air pincé.
-Excuse-moi de t'avoir vexé.
-Ce n'est pas grave, je suis habituée. Tu cherchais qui ?
Elle jette un coup d'oeil dans sa chemise et me dit :
-Emily Urbefives, tu connais ?
Pour connaître, je connais.
-Oui, c'est moi.
Son visage s'élumine. Mais pourquoi donc a-t-elle besoin de moi ?
-Oh cool ! C'est plus facile que je ne le pensais. Le proviseur, Mr Pester, a dit que tu serais une sorte de tutrice pour moi, ce mois-ci.
Ah, c'était donc toi ?
-Oui, il m'a appelé, il y a deux jours pour expliquer mon travail.J'aide les élèves en difficulté. Eh oui, même ici, il y en a .
-Donc, tu acceptes ? Si ça te dérange, je peux m'en trouver une autre.
Je commence à l'adorer.
-Non, je vais être ta tutrice pour ce mois de rentrée.
Je la prends par l'épaule.
-Je peux même être ta tutrice pour la ville, histoire de t'enlever les stéréotypes de ta petite tête.
Nous rigolons mais un cri strident,venant de notre gauche, interrompt cette amitié naissante. Une fille effrayée, au bord de la crise d'angoisse et en larme, passe devant nous en trombe et s'enferme dans les toilettes, sans doute pour vomir. Soudain, un troupeau d'élève se dirige vers l'endroit d'où venait cette Sophomore et des exclamations surgissent. Si je me souviens bien, cet aile de bâtiment, est le secteur de l'administration. Encore un élève renvoyé qui essaie d'agresser la secrètaire de Mr Pester ? Non, pourquoi cette fille serait partie,telle une furie ?
-Je vais voir ce qu'il se passe.
-Je te suis.
La foule des lycéens se faisait de plus en plus dense. J'entraperçue Mary, j'essaie donc de me frayer un passage vers mon amie mais elle disparaît dans la masse. Je décide, tant bien que mal, de la suivre avec...Je n'ai même pas pensé à lui demander son nom. Puis j'arrive,enfin à côté d'elle. Elle me semble livide. Normal. Ce qui se dresse devant mes yeux est une macabre découverte.
Les bras et les jambes avaient été retirés du corps de la victime. Il n'y avait aucune goutte de sang. Le meurtrier avait dû tuer cet homme avant de le découper.  Je m'approche un peu plus et je vois On la récupérera ! sur le torse et le ventre du mort. Récupérer qui ? De nos jours, les personnes avaient d'étranges façons d'assassiner de pauvres gens qui n'avaient rien demander, de surcroît dans un lycée.
-Emy revient. Allons nous-en., intervient Mary, d'une voix blanche.
Je suis sur le point de l'écouter lorsque un détail attire mon attention: le médaillon autour du cou.
-Oh mon dieu !, je hurle.
Je manque de tomber, un garçon me rattrape de justesse. Je comprends que je me trouve au-dessus de notre cher proviseur, Mr Pester.

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